Le garçon qui ne demandait jamais de l’aide

Demander de l'aide autisme

Demander de l’aide, ça parait simple, mais pour mon fils, c’est impossible. Je ne sais pas si c’est lié à l’autisme, mais au vu des différents témoignages que j’ai pu entendre ou lire, il s’avère que de nombreuses personnes avec autisme ont vraiment du mal à appeler au secours ou tout bonnement à demander de l’aide. Alors il faut que je vous raconte ce qui c’est passé hier !

Avec l’autisme, rien n’est jamais linéaire. Bien sûr, on mesure les progrès au fil du temps, mais en 15 ans, je n’ai jamais vu Le Petit Prince progresser lentement, naturellement, au même rythme : tout s’est toujours fait par paliers, avec parfois de longues périodes où il ne se passait rien – et c’est là qu’il ne faut surtout pas baisser les bras ou s’imaginer le pire. Et hier, c’est avec fracas que mon fils a sauté deux paliers, ou débloqué deux verrous si vous préférez. Je dis fracas car cela s’est fait non sans mal, ça a été dur, vraiment difficile et douloureux pour lui (et par ricochet, pour moi aussi).

C’était donc hier après-midi. Après avoir fait ses devoirs, Le Petit Prince me dit qu’il va faire un truc dans le bureau. Pendant ce temps, je reste avec ma fille au salon. Au bout de deux bonnes heures, je l’entends jurer, crier, se mettre en colère alors je vais le voir et là, il m’explique que ça fait 2 heures qu’il est sur ce truc, et que ça ne marche pas, il est vraiment hors de lui. Je lui demande alors pourquoi il ne m’a pas appelé, mais il me dit que non, il veut tout faire tout seul.

Je le mets alors devant ses contradictions : il veut tout faire tout seul sauf qu’il vient de perdre deux heures et qu’il n’y arrive pas et que là, tout de suite, je suis là et que je peux l’aider. Je lui tends une perche monumentale pour qu’il me demande de l’aider mais non, rien ne sort : il argumente comme quoi ça ne marche pas et qu’il veut se débrouiller seul car dans la vie on doit faire tout tout seul.

Je vois qu’il se calme un peu donc j’insiste un peu en lui rappelant que je peux l’aider et là, il recommence à s’agiter, à s’énerver, et à bout d’arguments il part de la maison en claquant la porte. Autant vous dire que je ne suis pas rassurée du tout du tout du tout et je retiens ma respiration. Je l’entends faire le tour de la maison, et le vois revenir.

Le premier verrou vient de sauter.

C’est la première fois que je vois mon fils se calmer tout seul et aussi vite. En 15 ans. J’en ai encore les larmes aux yeux quand j’y pense : il y a encore quelques mois, c’était un véritable problème, il était capable de « mouliner » pendant des heures sans arriver à se calmer. Et là…. wouawh ! Ca a pris 2 minutes. Seulement 2 minutes ! Je l’ai félicité, lui aussi était content de voir qu’il y était arrivé seul, il était aussi surpris que moi ! Du coup on s’est assis tous les deux et on a recommencé à discuter.

Je lui ai expliqué que personne, dans la vie n’arrivait à s’en sortir seul : quand un bébé nait, ses parents lui donne le lait pour le nourrir ; plus tard, ils lui tiennent les mains pour lui apprendre à marcher, puis à l’école, les enseignants lui apprennent à lire et à écrire; devenu jeune adulte, quand il se lancera dans la vie active, au début dans son premier travail, il aura besoin d’un chef pour lui apprendre les ficelles du métier; et moi-même encore aujourd’hui, je demandais de l’aide à mes pairs quand j’ai des difficultés.

Je crois qu’il a compris car… il m’a dit  » Est-ce que tu peux m’aider ? » .  Le deuxième verrou a sauté. Alors ensemble, on a passé du temps à regarder son problème, et on y est arrivé. Je l’ai laissé finir seul, mais au bout d’une heure, il m’a redemandé de l’aide, parce qu’il n’y arrivait pas. J’y suis retournée, et j’ai fait marcher son truc, puis je suis partie.

Une demie heure plus tard, je l’ai entendu hurler : « WOOOOOOOO I AM THE BEST, I AM THE KING OF THE WORLD ! » Il était super content, il avait réussi. Parce qu’il avait demandé de l’aide. 

Alors voilà, au bout de 15 ans, mon fils a appris à se calmer seul et à demander de l’aide. C’est un progrès considérable, incroyable !

Je me suis alors rappelé que pendant des années, mon fils n’avait pas vraiment eu à demander de l’aide, vu que nous essayions toujours de devancer ses besoins, on ne l’a pas élevé dans cette culture d’appeler à l’aide si nécessaire. En effet, cela implique déjà d’être autonome, de pouvoir faire les choses seul, puis si besoin d’appeler quelqu’un à la rescousse. Maintenant je me rends compte que je ne lui ai pas rendu service, Si je lui avais lâché la bride plus tôt, j’aurais pu le rendre d’avantage autonome plus tôt et lui apprendre à demander de l’aide… mais bon, avec des « si » on mettrait Paris en bouteille pas vrai ?

 

15 réflexions sur “ Le garçon qui ne demandait jamais de l’aide ”

  • 13/10/2016 à 13:24
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    genial !! encore une etape de franchie et ce n est pas fini . il ne cesse de nous etonner !!!
    le mien aussi est de plus reflechi et ne s enerve plus . il prend son temps et veux y arriver tout seul , peu de fois ou j intervient . ils ont la hargne et veulent s en sortir , il faut les encourager ;

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    • 13/10/2016 à 13:28
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      Mais carrément !!! C’est tellement bien qu’il sache prendre son temps ! Moi je suis encore tellement bluffée que je n’ose penser à la prochaine étape

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      • 13/10/2016 à 13:32
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        la seconde etape arrivera tres vite et je trouve ca genial de voir que tous les jours ils continuent de progresser . ca nous motive à nous battre !!!

    • 14/10/2016 à 19:13
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      Alves, leur attitude n’est pas vraiment différente de celle des ados neurotypiques qui pensent pouvoir tout accomplir seuls. Je me rappelle mon adolescence: je ne voulais rien savoir de mes parents, je pouvais vivre indépendante, sauf que…je n’avais pas d’argent ni boulot et que c’est eux qui payaient mes études hahaha

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  • 13/10/2016 à 16:26
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    Aaah que c’est beau de grandir. On sait que pour les autistes la période la plus difficile est jusqu’à la puberté. Pourquoi? Parce que les enfants sont incapables de raisoner ou relativer. Ils ne comprennent pas le pourquoi de leur état et deviennent très frustrés car ils se sentent impuissants, sans aucun contrôle du monde qui les entoure, ce qui mène en général aux ‘crises’, l’angoisse et la colère.
    Mais les autistes passent tout comme les autres enfants par la puberté ☺. Et là… tout commence à changer.
    Les recherches ont prouvé que l’autisme semble ‘diminuer’ chez l’enfant à partir de la puberté. Leur état ne s’affaiblit pas mais il change dû à l’évolution de l’enfant pdt son adolescence. Il est mieux apte à observer et tirer ses conclusions, il commence à comprendre son autisme, ses avantages et ses contraintes. Ceci le conduit à une autre compréhension de lui-mm, une lente acceptation de ses restrictions éventuelles, il devient également plus mature donc mieux capable de gérer ses émotions. Et n’oublions pas l’influence de ses copains qui lui ouvrent plein de fenêtres sur un monde neurotypique dans lequel il se baigne quotidiennement.
    Oui ce jeune ado évolue extrêmement bien et rapido en fait, bien entendu qu’il fait des bonds et brûle des étappes car c’est cela justement 1 des choses qui fait la beauté de l’autisme.
    Ils ns disent simplement de sortir de nos boîtes, de commencer ns aussi à ns adapter à 1 autre manière de voir les choses. Ils ns obligent à sortir des sentiers battus, de ns attendre à tt, d’adopter de nouvelles perspectives assez surprenantes parfois, bref ils sont la source de notre propre évolution aussi inattendue que ‘violente’ pour certains. Ce sont nos nouveaux guides, à travers eux ns créons un monde centré sur l’inclusion au lieu de l’exclusion, élément vital de la transformation assez rapide de cette planète. Merci à eux de tt coeur, ils ont choisi un sentier tellement difficile qu’on ne peut que les admirer.

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    • 14/10/2016 à 19:02
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      Merci Myriam… et si vous saviez ma fierté… je suis fière de qui je suis devenue grâce à mon fils, et je suis tellement fière de lui !

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      • 14/10/2016 à 19:08
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        Oui et vous avez toutes les raisons de l’être. Et votre blog est une très belle façon de faire passer les messages pour cette humanité en pleine transformation. Merci pour toutes et tous qui ont tant besoin de soutien et surtout merci au Petit Prince.

  • 20/03/2017 à 06:34
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    Je parcours votre blog, je suis bouleversée, depuis hier matin 5h, je lis je lis sur le net . Mon fils a 15 ans. Il a beaucoup des traits des autistes, c’est comme si quelqun avait fait une liste des trucs qu’on trouve bizarre chez lui et qu’on me dise  » ben ça c’est toutes les particularités des autistes »
    Je me sens mal, je n’ai pas eu votre patience je n’ai pas eu vos mots je me suis enervee toutes ces années ( oui il est très intelligent et avait de très bonnes notes à l’école donc pour moi il comprenait ce que je lui disais et cherchais la confrontation)
    Je suis perdue, il n’acceptera jamais d’aller voir qq un comme il n’accepte jamais plus rien de ce qui vient de moi.

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    • 20/03/2017 à 06:50
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      Bonjour, merci de votre commentaire, auquel je répondrai que …. si vous ne faites rien, que vous ne changez rien… alors il ne se passera jamais rien. Si il y a bien un truc à retenir, c’est qu ‘il ne faut jamais dire jamais. Mais pour que ça change, il faut aussi vouloir faire bouger les choses. Je crois que vous devriez faire les choses ensemble : il n’y a pas que votre fils qui devrait « aller voir qq’un »…

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      • 20/03/2017 à 06:56
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        Nous consultons ensemble une psy depuis deux mois, je l’ai forcé à venir. Mais comme il se ferme, la psy n’a forcément rien vu, et moi j’étais centrée sur notre relation qui se dégrade ( tellement qu’il a décidé d’aller vivre chez son père:-/)
        Je vais commencer pas là, en espérant qu’elle soit ouverte ( je lui avais aussi parlé du test qi)
        Merci, je culpabilise à mort, il y a des centaines d’épisodes de vie qui me sautent à la figure…

  • 20/03/2017 à 07:05
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    Mais … vous « forcez » votre enfant à consulter : c’est pas ça faire quelque chose « ensemble  » !!!! Et puis arrêtez de culpabiliser : ça ne sert à rien et surtout ça empêche d’avancer.

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    • 20/03/2017 à 07:12
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      Oui je dis forcer car il n’y a pas de communication, et il ne veut jamais faire qq chose de nouveau, de différent. Je vous dis bien, c’est la première fois que je pense que mon fils est autiste, c’est difficile, c’est une idée nouvelle, c’est peut être plein de réponses à des questions, c’est de nouvelles interrogations, je dois me renseigner aujourd’hui sur les démarches à effectuer, merci pour vos réponses.
      Je viens juste de lire que votre fils répondait. Imaginez que vous preniez cela pour de la provocation consciente, que vous aviez l’impression qu’il fait tout pour vous pousser à bout consciemment….

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      • 20/03/2017 à 16:25
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        Le poupon solen: il est compréhensible que cette découverte de ce qui pourrait affliger votre fils est absolument bouleversante, vous êtes pour le moment sous l’emprise d’un choc émotionnel. Il serait prudent tout d’abord de vous ‘poser’, c-à-d de prendre le temps de respirer profondément qqs fois, ensuite de faire votre recherche sur ce qu’est l’autisme et les différents comportements que cela implique, car rien ne certifie en ce moment que votre fils est autiste. Si après votre recherche vous pensez vraiment que votre fils est autiste il faudra alors aborder le sujet (préférablement avec son père puisqu’il vit chez lui) et faire les tests nécessaires par un expert.
        On pourrait considérer ceci comme une 1ère étape.
        La 2e sera de renouer les liens mais à présent avec un diagnostic (quel qu’il soit) en main; je pense qu’un diagnostic professionnel aidera également votre fils à se comprendre un peu mieux et à accepter au fil du temps ce que le diagnostic implique. Si vous avez subi un choc en découvrant ce qui pourrait affliger votre fils, imaginez alors ce que le sien sera; beaucoup de compassion et patience seront à l’ordre du jour afin de pouvoir adéquatement soutenir votre fils dans une nouvelle voie qui appellera bcp de questions.
        Afin de pouvoir faire face à cette nouvelle situation après tant d’années, je vous recommanderais vous aussi de vous faire accompagner par un/e thérapeute ou psychologue. Ce genre de réalisation bouleversante pour tout le monde ne peut se passer sans soutien professionnel; il y va à présent d’un nouveau bien-être à construire ensemble avec votre fils, de son avenir, d’une nouvelle vie digne et surtout aussi heureuse que possible.
        Lui demander pardon de l’avoir méjugé toutes ces années pourrait vraiment aider à forger une fondation positive pour tous.
        Je vous souhaite bcp de courage, amour, compassion et compréhension pour lui comme pour vous. Ne vous oubliez pas surtout.

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