Les effets des difficultés de perceptions sensorielles sur les modes d’apprentissage – Article de Temple Grandin

Effets des difficultés de perception sensoriells sur les modes d'apprentissage

 

Temple Grandin a dit :  » La surcharge sensorielle peut causer la fermeture totale de la vision ou de l’écoute »

Je suis fan de Temple Grandin, autiste qui fait partie des 100 premières personnes les plus influentes dans le monde d’après le Time Magazine. Elle a le don de vulgariser l’autisme avec des mots tout simple, et c’est pourquoi j’ai traduit pour vous cet article de la revue S.I. Focus Magazine sur les différents modes d’apprentissage des autistes qui est vraiment à lire.

Les individus appartenant au spectre autistique ont de réels problèmes variés avec la sur-réceptivité sensorielle et le traitement des informations. Alors que ces problèmes trouvent leur origine dans le cerveau et sont de nature biologique, ils se manifestent par des comportements qui compromettent la capacité des individus à apprendre et fonctionner dans le monde qui les entoure. Dans mon analyse des rapports sur de nombreuses personnes autistes, il apparait que la manière dont leur cerveau traite les informations entrantes peut être réparti en 3  catégories :

  1. La sur-réceptivité sensorielle
  2. les problèmes de perception
  3. les difficultés dans l’organisation de l’information

La sur-réceptivité sensorielle

La sur-réceptivité sensorielle varie d’un enfant à l’autre. Elle peut varier de légère (anxiété modérée quand l’environnement est trop bruyant, trop lumineux ou chaotique) à sévère, avec un individu qui va faire une crise et hurler chaque fois qu’il est dans un hypermarché. Un enfant ne supportera pas les lumières fluorescentes, un autre, comme moi, craindra les bruits soudains et forts parce que cela lui fait mal aux oreilles. Certains enfants peuvent se boucher le nez quand ils sentent certaines odeurs, comme les parfums. Le goût ou la texture des aliments peuvent être répulsifs pour eux. Un simple contact de la peau sera gênant ou même douloureux. Un enfant adorera jouer dans l’eau et s’éclabousser, un autre se détournera de l’eau en hurlant. Certaines personnes autistes sont attirées par des objets qui bougent rapidement, et certains les évitent. Quand les sens sont troublés, l’attention et la concentration requis pour apprendre deviennent difficiles et même impossibles dans certains cas.

Les enfants qui passent leurs journées dans la crainte des gens et des lieux qui, par expérience, les ont déjà bouleversés auront peu de chance de se relaxer suffisamment pour remarquer les opportunités d’apprentissage qui se présentent à eux.

 

Les problèmes de perception

Les problèmes de cette catégorie déterminent souvent le style d’apprentissage qui sera le plus efficace. Un enfant avec une faible perception auditive entendra des sons semblables à ceux d’un téléphone portable avec une mauvaise connexion, quand la voix apparait et disparait ou qu’on n’entend pas des morceaux entiers de la conversation. Cet enfant apprendra mieux avec des informations visuelles. A contrario, un enfant avec des problèmes de perception visuelle apprendra mieux à l’oral.

Les enfants qui regardent du coin de l’oeil pour lire ont souvent des problèmes de traitement visuel. On suspecte un problème de traitement visuel chez les enfants qui font bouger leurs doigts juste devant leurs yeux ou qui ne supportent pas les lumières fluorescentes et/ou les escalators. Pour certains d’entre eux, le monde est vu comme à travers un kaléidoscope – plat, sans perception de relief et comme morcelé. Pour d’autres, c’est comme regarder dans un petit tube, quand le champ de vision arrive directement face à nous, sans vision périphérique.

Certains individus non verbaux ont des problèmes de traitement à la fois  visuels et auditifs. Ils apprendront mieux grâce aux sens comme le toucher et l’odorat. Par exemple, pour apprendre à s’habiller, on devra les accompagner pour enfiler les chaussettes (et en ressentir les sensations) ou encore pour verser les céréales, on pourra mettre notre main sur la leur. Ils peuvent apprendre plus facilement les lettres et les nombres s’ils peuvent les toucher et tracer leurs formes avec leurs mains ou leurs doigts. L’utilisation d’objets représentatifs – au lieu de  graphiques ou d’images – peut être bénéfique pour aider ces personnes à savoir quand elles sont dans un moment de transition avant une nouvelle activité.

 

L’organisation de l’information 

A cause des connections atypiques dans le cerveau, un individu peut recevoir l’information mais être incapable de l’organiser ou d’en interpréter le sens. Donna Williams, une autiste australienne reconnue dit que les conversations peuvent ressembler à du « bla-bla-bla » pour elle et n’avoir aucun sens. Le problème pour organiser l’information peut affecter la capacité de l’enfant à créer des catégories qui sont les fondations pour la création ultérieure de concepts. Les difficultés rencontrées par les personnes du spectre lorsqu’elle doivent faire plusieurs actions simultanées tombe également dans cette catégorie. Une fois encore, ces difficultés sont très variables, allant de légères à sévères, en fonction de quels circuits du cerveau se connectent et lesquels ne se connectent pas. Un test classique de pensée flexible est le Wisconsin Card Sorting Test. Dans ce test, une personne doit trier une par une des cartes avec différents motifs, dans des catégories comme « jaune » ou « cercles ». Une personne autiste peut être plus lente pour comprendre les nouvelles catégories telles qu’elles sont présentées.

La surcharge sensorielle peut provoquer la fermeture complète de la vision ou de l’audition. Pendant ces périodes, aucune information ne va pénétrer le cerveau, et l’apprentissage est impossible. De plus, les problèmes sensoriels et de traitement de l’information empirent quand l’enfant est fatigué. Il est donc préférable d’enseigner la matière difficile quand l’enfant est alerte et bien éveillé. Alors que ma sur-réceptivité au bruit était assez légère quand j’étais enfant, je répondais bien à une méthode d’enseignement peu intrusive, quand la maîtresse me tenait le menton pour me forcer à prêter attention. Donna Williams me raconta que cette méthode n’aurait absolument pas marché avec elle.  L’effet du toucher, associé avec le discours de la maitresse l’aurait surchargée et elle n’aurait pas été capable de traiter ces deux données (toucher et parole) simultanément. Donna est un apprenant monocanal. Elle peut soit regarder quelque chose, soit écouter quelque chose mais elle ne peut pas faire les deux en même temps.

Un professeur efficace pour les enfants et les adultes autistes est quelqu’un qui est un bon détective, qui est à la recherche de la source des difficultés d’apprentissage. Souvent, la source peut être trouvée dans une des catégories mentionnées plus haut – ou être une combinaison de ces catégories. Un défi basé sur le sensoriel, même considéré comme facile, compromettra considérablement la capacité d’apprentissage d’un enfant avec des méthodes « traditionnelles ». Les enseignants qui veulent vraiment aider leurs élèves avec difficultés de perception sensorielles comprendront leur mode d’apprentissage unique et adapteront leurs propres méthodes. Certains enfants sont meilleurs avec des consignes ou missions écrites ; d’autres réussiront mieux avec des méthodes à l’oral ou des contrôles oraux. Les meilleurs professeurs ont une approche flexible et enseignent avec un style qui convient à l’apprentissage de ces enfants.

 

Temple Grandin, PhD

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