La vie professionnelle chaotique du parent aidant – partie 1

parent d'enfant autiste et emploi

Toi, parent aidant qui a abandonné ton job pour t’occuper de ton enfant, ou qui travaille à temps partiel, ou à temps plein parce qu’il faut bien ramener un salaire, qui vit en sursis, dépendant des CAF, AEEH ou autres aides de la MDPH, cet article est pour toi.

Je t’expose ma vie professionnelle chaotique, pour que tu réalises que tu n’es pas seul, et qu’il faut beaucoup d’amour de soi pour arriver à dépasser sa propre culpabilité et accéder à ses rêves parce que oui, toi aussi, tu as le droit à une belle vie, tu n’es pas réduit à te sacrifier.


Enfant, j’avais un rêve, celui de devenir écrivain et journaliste. J’écrivais beaucoup, des poèmes et des nouvelles, je lisais encore plus, et le monde des lettres m’offrait un échappatoire salutaire à un quotidien peu joyeux. Malheureusement à force d’entendre qu’être journaliste, c’était dur et qu’écrivain, ça ne gagne pas d’argent, j’ai petit à petit, sans m’en apercevoir, mis de côté mon rêve pour devenir raisonnable. J’ai eu raisonnablement mon bac, je suis raisonnablement entrée en classe préparatoire et un peu moins raisonnablement, j’ai choisi mon école en fonction de sa géolocalisation, et non pas de sa réputation ; mais c’était une grande école de commerce, alors l’honneur de la famille était sauf.

Ensuite, j’ai raisonnablement épousé mon premier amour, et très raisonnablement, j’ai donné naissance à un petit garçon, et nous avons emménagé dans une belle maison. Mais je ne suis pas, au fond de moi, très raisonnable. Le vernis a fini par craquer, mon mari m’a quittée, me laissant avec Le Petit Prince et mes yeux pour pleurer.

Alors que fait-on quand on est mère célibataire avec un enfant de moins de 3 ans ? Et bien on cherche le premier boulot venu pardi ! Parce qu’il faut se sortir coûte que coûte de la précarité, que vite on doit trouver un logement, une crèche, un revenu pour manger et payer les factures. Et là, vous avez beau avoir un joli CV bien raisonnable, les employeurs vous regardent avec les yeux ronds comme des soucoupes, parce que vous postulez à des postes de secrétaire en étant Bac+5.

Oui, parce qu’en plein marasme émotionnel et professionnel, j’avais conscience qu’il fallait préserver mon enfant, et qu’un boulot de working girl sur-diplômée ne collait pas avec ce projet. Alors je me rabattais sur les postes moins chronophages et à temps partiel, parce que j’avais au moins besoin de garder mon fils tous les mercredi à défaut de pouvoir payer une nounou. Alors là a commencé ma quête du job qui nous permettrait de survivre, Le Petit Prince et moi et de reconstruire une petite vie paisible.

C’était sans compter l’autisme ! Avant même le diagnostic, je courais déjà les spécialistes, ce que jamais je n’aurais pu faire si j’avais été à temps plein. Vis à vis de mes employeurs potentiels, j’ai toujours été obligée de justifier le décalage entre le poste proposé, le micro-salaire qui allait avec et mon CV en expliquant, avec dignité, que j’étais parent aidant, et maman solo de surcroit.

Or c’est tout là le problème : l’aveu de faiblesse.

Dans ma quête du job idéal, j’ai eu de la chance, car j’ai réussi à intégrer le monde des agences web, tandis que cela faisait des années que j’utilisais Internet de manière hyper poussée. Le digital m’a toujours fasciné, j’ai commencé à apprendre les métiers qui gravitent autour de ce média avec une soif d’apprendre inextinguible. Je m’y sentais bien, il y avait tout à faire et tant à créer, j’avais enfin l’impression de faire quelque chose qui me plaisait. Et le soir, j’écrivais sur différents blog pour assouvir mon besoin d’écrire.

Je vais te faire rire : c’est parce qu’il avait une solide connaissance technique du web que je me suis laissée séduire par l’Homme, avant de réaliser que je le trouvais également beau, doté d’une capacité d’apprentissage incroyable, qu’il savait prendre soin de moi et de mon fils, pour ne citer qu’une infime partie de ses merveilleux talents qui m’ont amenés à l’épouser et à lui donner une enfant.  Chacun a les critères de sélection qu’il veut …

C’est de manière tout à fait irraisonnable aux yeux de certains que j’ai démissionné d’un beau poste en CDI dans une grande webagency afin d’accorder plus de temps au petit Prince, qui vivait très mal sa scolarité. J’ai pu faire ce choix parce que l’Homme était là, et qu’il m’accordait sa confiance : si j’avais été maman solo a ce moment-là, cela n’aurait pas été possible, d’autant plus que la MDPH ne m’a absolument pas accordé une remise à jour du niveau de AEEH, alors que si je quittais ce poste, ce n’était pas pour prendre des vacances mais bien pour m’occuper pleinement de mon fils… sachant que je payais une nounou pour garder ma petite Petoufette de 4 mois à l’époque.  Pire, la MDPH m’a rétrogradé le niveau d’aide, comme si du jour au lendemain, Le Petit Prince n’était plus autiste.

J’ai donc démissionné sans rien derrière et très vite la culpabilité de ne pas gagner ma vie m’a saisit comme un tourbillon de vent et de pluie glacée.

Très vite, des amis m’ont demandé de travailler pour eux et je suis devenue freelance. Je touchais déjà à beaucoup de domaines avant, j’ai développé encore plus de compétences, devenant un espèce de couteau-suisse pour entrepreneur en mal de visibilité sur internet. D’ailleurs encore aujourd’hui, si vous me demandez ce que je fais, je suis bien incapable de vous donner un poste… et c’est avec l’aveu de faiblesse, un deuxième problème.

Pourquoi ? Croyez-vous qu’on trouve beaucoup de gens comme moi, avec presque 20 ans d’expérience dans ce domaine, capable de développer son chiffre d’affaire, de gérer ses réseaux sociaux, ses prestataires, la refonte de son site, tout en rédigeant des contenus et en faisant du graphisme, pour à peine plus que le SMIC ? Non. On n’en trouve pas, des gens comme moi.

Si j’ai choisi de travailler en freelance, c’est pour être disponible pour mon fils et ma fille, pour pouvoir aller les chercher à la sortie de l’école et passer du temps auprès d’eux, surtout auprès de mon fils qui a des besoins vraiment impressionnants. La contrepartie, c’est que si un client accepte de me faire confiance, je me donne à fond, à 200% , je vais encore plus loin que ce qui m’était demandé, je me surpasse, et j’aime ça. Je me sens si redevable devant la compréhension de mon client à l’égard de ma situation que lui donne tout. Je deviens son couteau-suisse à prix discount.

Et voilà un beau cocktail pour que certains, alléchés par la promesse chevaleresque de « sauver » la pauvre femme que je suis en lui offrant un job ou une mission, se voient bientôt pris du doute pénible sur la vraie valeur de mes compétences : « Comment se fait-il qu’elle fasse autant de choses pour si peu ? Mais elle bosse vraiment, chez elle, au moins ? Elle ne se foutrait pas de moi par hasard ?  » Et une fois le vers dans le fruit, malgré la validité incontestable des indicateurs qui prouvent le succès de mon travail, je me retrouve obligée de me justifier devant un chef d’entreprise dédaigneux, humiliant, me hurlant dessus.

Ca m’est arrivé une fois de trop, jeudi dernier. Et là, j’ai dis non. Je ne peux plus.

Aujourd’hui, je récupère ma dignité, je n’ai plus peur de me regarder dans le miroir et de me dire que je peux changer les choses.

 

 

Dans le prochain épisode, je vous raconte ce que je vais faire, ce qui se résume par  : prendre ma vie en main.

8 réflexions sur “ La vie professionnelle chaotique du parent aidant – partie 1 ”

  • 18/03/2015 à 17:35
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    tu as fais le bon choix , il ne faut jamais en douter . d ailleurs moi aussi pas trois fois j ai refusé le temps plein ( la je suis a 32h ) et aucun regret en voyant les progres enormes de mon garcon et j ai aussi pu profiter de ma pepette ; l ambition est une chose et la vie de nos enfants , une autre , pas de choix possible !

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  • 18/03/2015 à 18:03
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    Non, d’ailleurs je n’ai jamais considéré que je me sacrifiais pour mon enfant. J’ai fait un choix, le bon semble-t-il au vu des progrès de mon fils. Mais je ne pensais pas que je me retrouverais dans une situation si embarrassante…

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    • 18/03/2015 à 18:31
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      Bonsoir, l’ecrit se lit comme un ruisselement d’eau dans la nature, il permet aux autres; situation similaire: à s’échapper, car nous ne sommes que quelque peu différentes et plus nombreuses que prévu … pour l’amour d’une mère … je ne m’inquiète pas des « on-dit » ; ni de quoi que ce soit qui viens de gens qui « savent juger » sur base de l’habit ne fait pas le moine, je laisse courir les préjuger, les critiques … j’ai le dos rond … et le soleil brille pour tous et j’aime trop vivre et voir vivre ceux que j’aime, alors laisse tomber les critiqueurs, car ils ne sont pas les payeurs, le matin, vois le jour comme un cadeau, et je te salue chère amie, de ta grandeur d’âme et de ton grand coeur, tu es une maman formidable et surement une femme merveilleuse … bien le bonjour chez toi en attendant la suite de la lecture …

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      • 19/03/2015 à 12:16
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        Merci Hianne, si je peux donner aussi un peu d’espoir et l’impulsion pour changer la donne à quelques parents dans mon cas, alors ce sera une belle chose. Et maintenant je vais savourer même les matins pluvieux…

    • 18/03/2015 à 20:25
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      voila le principal , c est de se dire j ai fais le bon choix et la preuve vu l evolution du petit prince et d ailleurs c est tres courageux de ta part , cela est une preuve d amour et il t en sera toujours reconnaissante ! bonne continuation …..

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  • 19/03/2015 à 09:21
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    Très beau témoignage. J’ai un peu le même parcours que toi sauf que moi j’ai suivi mes rêves et suis devenue journaliste pendant 10 ans puis responsable com pendant 5 ans avant de démissionner pour m’occuper de ma fille de 11 ans avec TDAH. Aucun regret !!! je chercherai un emploi à temps partile l’an prochain…Courage

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    • 19/03/2015 à 12:13
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      Je veux faire comme toi Marie-France ! Je veux suivre mes rêves, parce que oui, là, on n’a vraiment aucun regret, alors que moi, jusqu’ici, j’avais le regret de me laisser marcher sur la tête par des employeurs peu scrupuleux en justifiant ma lâcheté par le besoin de gagner de l’argent.
      Je vais penser à moi, maintenant !

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