Genèse et usage de l’adjectif « autiste » dans le langage courant

Genese autiste

Le Petit Prince a Dit : « C’est quoi « Mongolito » ?  »

Aaaaah, Mongolito, c’était les blagues pas drôles des années 80, celles où on traitait les débiles de golios, mongoles, gogoles, mongolitos en faisant référence aux trisomiques. Mais ça, c’était avant. Maintenant, les débiles, on les traite d’autistes.

Oui, je l’ai connue cette période où l’on ne parlait pas d’autisme, mais où l’on se moquait ouvertement des handicaps visibles, comme le syndrome de Down, les mecs en chaise roulante, les parkinsoniens, ou encore les tétraplégiques. Cibles faciles ! On faisait des blagues sur Mongolito comme sur les Belges et tout le monde s’en foutait. Période faste en terme d’agressions verbales à l’encontre de ces personnes qui n’avaient rien demandé, ne faisaient rien de mal et ne nuisaient pas à la société. Période bénie pour les connards de tout poil, dont j’ai sûrement fait partie pour avoir balancé des  « C’est Mongolito qui part aux cabinets… » dans la cours de récré.

Les années 80, c’était magique. On jetait les ordures n’importe où, on fumait dans la maison avec les enfants sous le nez,  on pouvait vanner les tétras sans se faire engueuler, les sourds étaient juste des cons, et on se garait sur les places handicapés parce ce que, ils vont où les handicapés avec leur p’tit chariot à roulette ? nulle part, on les voit jamais d’ailleurs ! Nickel Miguel.

Toute ressemblance avec la période actuelle ne serait que pure et fortuite coincidence…. 

Bref, j’en reviens à mes trisos. Il a fallu pas mal de documentaires, et surtout un film en particulier en 1996, avec Daniel Auteuil, pour faire pleurer la France entière devant la performance de Pascal Duquenne, atteint du syndrome de Down dans Le 8ème Jour. Pascal Duquenne obtiendra même le prix d’interpretation masculine au Festival de Cannes, rien que ça.  Les connards que nous étions réalisèrent soudain que derrière le handicap il y avait un être humain, avec une vraie vie, et parfois même plus belle que la nôtre. Les années 2000 entendirent alors sonner le glas des blagues sur Mongolito.

Le politiquement correct est arrivé en trombe. On ne disait désormais plus aveugle mais non-voyant, sourd mais mal-entendant, con mais bien-pensant…  Il n’y avait plus de place pour les histoires d’antan sur les « anormaux » et même les Belges virent leur heure de gloire décliner dans les blagues de fin de soirée. Dans les années 2000, il ne restait plus que les blondes, les gays, les arabes et les juifs pour faire rire les foules. Mais les blagues sexistes et racistes ne suffisaient pas : il fallait à la plèbe un remplaçant au Mongolito pour fustiger le « debilos ». Et à ce moment là, dans les journaux, on a commencé à parler de l’autisme.  Les premiers spécimens déclarés étaient âgés, non verbaux, apathiques (merci les cachetons), enfermés dans des instituts et dans l’imaginaire collectif, présentés comme un nouveau modèle de bête de foire. Formidable !

Une dizaine d’année seulement a suffit de faire de l’autiste le nouveau Mongolito.  Mais pas facile quand même de faire des blagues sur des autistes… après quelques essais ratés, un consensus s’est formé auprès de l’utilisation du terme « autiste » à toutes les sauces. Pour preuve, allez sur Twitter et tapez « autiste » dans le champ de recherche, vous allez vous poiler :

  • « J’écris comme un autiste » – Ah ? Ca écrit comment un autiste ?
  • « On dirait un autiste mdrrrrr » – Mmmhh, pouvez étayer votre propos ?
  • « La décision de F. #Hollande est celle d’un autiste : le chômage va continuer d’augmenter. » – Parfait, ne changez rien , vous avez tout compris.

Désormais, « autiste » est passé dans le langage courant. Il y en a qui disent qu’ils ont un petit côté autiste, d’autres qui l’utilisent à tout bout de champ quand une personne agit d’étrange façon. Même ceux qui n’ont jamais vu Rain Man sont persuadés que tous les autistes comptent comme des oufs, répètent des phrases en boucles, se balancent d’avant en arrière, le regard fixe et la lèvre baveuse, sans s’intéresser au monde extérieur, complètement renfermés sur eux-mêmes.  D’où l’usage de « Arrête de faire ton autiste et sors de chez toi ! » à l’attention de toute personne un peu dépressive.

On peut s’offusquer, s’énerver, nous les personnes qui connaissons bien l’autisme. Ca m’est arrivé de répondre vertement sur Twitter à des ptits jeuns qui employait cet adjectif à mauvais escient. Parce que nous, ça nous fait mal. Car aujourd’hui, l’autisme est vraiment mal connu du grand public, il est très loin de ces clichés et est un paramètre lourd de conséquence au quotidien.

Maintenant cette banalisation de l’emploi du terme « autiste » est-elle une mauvaise chose ? C’est une question que je me pose, car la plupart du temps, ce n’est pas totalement péjoratif, il y aurait même un côté « affectueux »dans cet usage. Pour l’instant, cela ne semble avoir aucun effet sur l’acceptation des autistes dans la société, qui continuent d’être marginalisés, dès leur plus jeune âge, par l’impossibilité d’être scolarisés. Mais à terme ? L’opinion publique sera-t-elle capable de voir – comme pour Pascal Duquenne – l’être humain, le citoyen au lieu de l’autiste et de lui faciliter son intégration ?

3 réflexions sur “ Genèse et usage de l’adjectif « autiste » dans le langage courant ”

  • 11/09/2014 à 10:44
    Permalink

    tt a fais d accord avec toi , l autiste n est plus vu de la meme facon ; d ailleurs moi j en parle a coeur ouvert mais si des fois j ai des pincements au coeur ; le tt est d informer la societe et les medias sur le sujet et si certaines personnes ont encore de mauvaises pensees eh bah qu elles les gardent pr elle !!!!!!

    Réponse
    • 12/09/2014 à 14:37
      Permalink

      C’est vrai ça : qu’elles gardent leurs mauvaises pensées pour elles… et tu as raison d’en parler librement, de l’autisme, ce n’est pas un gros mot ni une honte !

      Réponse
      • 16/09/2014 à 10:03
        Permalink

        chaque enfant a beaucoup a apporter en plus , qu il soit autiste ou pas dc au final ce n est que du bonheur !!

Répondre à lepetitprinceadit Annuler la réponse.