Comment aider son enfant à apprendre les autres, sur le terrain

un autiste peut apprendre les autres

Le Petit Prince a dit : « Maman, je peux aller Jouer dehors ? »

Oui bien sûr, mon chéri, tu peux mais… comment expliquer que je ne sois pas tranquille ? Ce sentiment de trouille quand il est avec les autres, sachant qu’il reviendra certainement en larmes, doit-il faire obstacle à sa tentative de sociabilisation ? NON !

Je vous le dis direct : Le Petit Prince a passé 10 ans de solitude. Pas d’invitation chez les copains pour leurs anniversaires, pas de copains ou très peu, des amitiés en pointillé, oui, 10 ans de solitude. Mais pour ses 10 ans, il y a eu 10 enfants qui sont venus à son anniversaire : des copains du judo, des copains de sa classe, des copains de la résidence. Alors voilà, ne l’oubliez pas, même dans les moments les plus noirs : tout espoir est permis ! ( parce que honnêtement, même moi, d’un naturel optimiste, je n’y croyais plus).

Le Petit Prince a toujours été sociable, sauf jusqu’à ses 2 ans où il ne supportait pas d’aller dans des endroits inconnus. Il a refait des crises un peu plus grand, quand il n’était pas à l’aise, mais d’une manière générale il a toujours été volontaire pour aller vers les gens, même quand il était non verbal. C’était facile de lui présenter une nouvelle personne. Mais j’évitais de le présenter à tout un groupe en même temps. Avec les adultes, j’ai toujours été transparente, dès que j’ai commencé à comprendre qu’il était autiste, j’ai prévenu les gens, ça évitait que l’autre se pose des questions sur mon éducation…

Mais avec les enfants, c’était autre chose. La maternelle a été affreuse. Il a été invité une fois à un goûter, et nous en sommes repartis très vite en pleurant. Il a commencé a mieux s’exprimer en CP, et comme il était d’un naturel gentil, certains enfants de sa classe l’aimaient bien, mais le problème, c’est qu’il n’arrivait pas à jouer avec : lui, il jouait à côté. Dans la cour, il ne jouait pas au foot, il ne faisait rien de ce que faisaient les autres et se collait avec les enfants qui étaient marginalisés ( j’en parle ici, avec les bagarres à la clé).

A l’époque nous habitions une résidence avec un grand parc dans laquelle il y avait des garçons de son âge. Le Petit Prince voulait se faire des amis mais ne savait pas très bien comment s’y prendre. Et les autres ont vite compris qu’il y avait un truc qui clochait.

Parce que je ne voulais pas le tenir en isolement, je l’ai laissé sortir. Alors  je restais dans le parc avec lui, l’oeil  et les sens aux aguets, et je le rentrais dès que je sentais que ça commençait à sentir le roussi.  Et ça sentait vite le roussi en général, mais voilà, mon parti pris a toujours été de rester pas loin de lui, mais pas juste à côté non plus, de manière à ce qu’il puisse s’essayer aux autres sans que ça soit trop biaisé par ma présence ( les autres enfants risquant de se comporter différemment en ma présence)

Le Petit Prince voulait quand même jouer avec les autres mais… c’était dur ! Je le récupérais en larmes au bout de 30 minutes, en crise, hurlant, proférant des injures, je devais le calmer pendant de longues heures, tout ça parce qu’un de ces petits cons lui avaient dit qu’il avait la maladie du fou, ou s’était moqué de lui, lui avait fait mal (involontairement ou non). Je soupçonnais l’un d’entre eux d’être violent et de s’en prendre à tous ceux qu’il jugeait « faibles ». Je l’ai pris sur le fait, je suis allée directement voir sa mère.

Mais je ne pouvais pas me résoudre à laisser mon fils seul. Alors j’ai continué mon petit manège, à l’accompagner de loin vers le terrain de jeux des autres, pour le surveiller en évitant d’intervenir. Oui, je l’ai laissé faire, et se faire la main avec la sociabilisation. Et au fur et à mesure, le Petit Prince s’est adapté. Les gosses voulaient venir tout le temps à la maison (tu m’étonnes, ils étaient mieux chez moi que chez leurs parents…), là c’était du pain bénit car au moins il était chez lui et je pouvais surveiller plus facilement. Et à la maison, ça filait droit.

Quand il a commencé à mieux s’en sortir avec les autres, qu’il est devenu plus grand, plus costaud aussi,  je l’ai laissé sortir dans le parc de la résidence seul avec ses copains. Mais je lui rappelais à chaque fois : « Si tu ne te sens pas bien, si tu as le moindre soucis, tu rentres à la maison parce qu’à la maison, tu es en sécurité. » Et c’est ce qu’il faisait. Parfois, il ne revenait pas seul d’ailleurs, il embarquait un autre enfant qui lui aussi avait besoin de calme.

Et voilà comment pour son anniversaire de ses 10 ans, il a envoyé 10 invitations et 10 enfants sont venus. On a fêté ça dans le parc, ils étaient déguisés tous en zombies, c’est un souvenir inoubliable. Et ceux qui n’étaient pas invités étaient verts de jalousie !

Aujourd’hui… tout va bien. Il a un meilleur ami qui est vraiment un enfant bien élevé, de vrais copains avec qui il joue au collège, il fait du sport dans un club…

Mon conseil : tout n’est pas figé, tout peut évoluer, accompagnez votre enfant s’il souhaite jouer avec d’autres, même s’il s’y prend mal, même si ça tourne mal : tant que vous êtes là à ses côtés, il peut faire ses premières armes sereinement, expérimenter les autres, et progresser petit à petit.

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