Pourquoi les enfants autistes se retrouvent-ils dans les bagarres ?

Les bagarres et les enfants autistes

Le Petit Prince a Dit : « (…) et alors il m’a donné un coup de poing (…) »

Et c’était tous les soirs, de tous les jours d’école de la Petite Section de maternelle jusqu’à la 6ème incluse. Un truc que je ne m’explique pas, mais c’est un vrai problème : pourquoi certains enfants autistes sont-ils en situation de conflit avec les autres enfants, au point d’en venir aux mains?

Je ne parle que de ce que je connais, donc d’un garçon autiste, le mien, c’est peut-être différent pour les filles, je ne sais pas. Mais je vais essayer de poser noir sur blanc ici ce que j’ai pu constater, et y réfléchir en même temps, et surtout, si vous avez des explications, allez-y, donnez-les dans les commentaires, parce qu’on en a tous besoin.

Bref, voilà, Le Petit Prince a toujours été scolarisé, et à temps plein. Dès la Grande Section, il a eu une AVS (assistante de vie scolaire) à temps partiel. Malgré toute l’attention dont il a fait l’objet, TOUS LES JOURS d’école, pendant 9 ans (c’est long, trèèèèès long), il y a eu des problèmes, et le plus souvent, il se faisait agresser.

Quand Le Petit Prince est devenu verbal, même si c’était super compliqué de décortiquer les faits, en recoupant avec les adultes témoins, j’ai compris qu’il y avait certains facteurs qui expliquaient pourquoi il était impliqué dans les bagarres :

  • Le Petit Prince avait du mal à comprendre
    1. qu’il ne pouvait pas connaître tout le monde
    2. que tout le monde ne pouvait pas l’aimer (autrement dit, qu’il ne pouvait pas n’avoir que des amis)

Conséquence : il était systématiquement attiré par les enfants qui se montraient hostiles envers lui, parce qu’il cherchait leur contact, et à faire connaissance.

  • Le Petit Prince était attiré par les enfants différents
    1. il était désireux d’aider les enfants qui lui ressemblaient d’une certaine manière
    2. il se sentait proche d’eux puisqu’ils étaient quelque part également rejetés par les autres
    3. Le fait qu’ils soient rejetés résultait et/ou impliquait qu’ils avaient un comportement inapproprié et/ou violent

Conséquence : plutôt que d’aller vers les enfants « lambda », Le Petit Prince allait vers ceux qui étaient isolés.

  • Le Petit Prince ne comprenait pas la Théorie de l’Esprit
    1. Donc impossibilité de décoder les traits d’humour de ses camarades
    2. Mauvaise interprétation des signaux : une bousculade sans le faire exprès pouvait se transformer à ses yeux en véritable agression
    3. Mauvais lecture du visage : une grimace est-elle un rire, une peine, une moquerie ?

Conséquence : Le Petit Prince était toujours en situation de méfiance, avec une peur de l’autre et de son agressivité.

Tout ça mis ensemble, ça revient à dire : Le Petit Prince était attiré par les enfants qui ne l’aimait pas, qui étaient d’un naturel violent et avec qui il avait des difficultés de communication. Génial, c’est exactement ce qu’on veut pour nos enfants !

Du coup, tous les soirs, j’avais le droit au compte rendu de la maîtresse ou d’un autre adulte, subissant son sourcil relevé et son regard courroucé, comme quoi mon enfant était encore une fois mêlé à une bagarre.

Je fais une parenthèse mais quand même, vous imaginez le tableau : on se bat comme des bêtes enragées pour que nos enfants soient scolarisés afin qu’ils puissent faire des progrès, et eux, tout ce qu’ils trouvent à faire, c’est se coller avec les marginaux violents. Super ! Vaut mieux en rire, là. Jaune.

Bon, mais là, qu’est-ce qu’on peut faire ? Parce que des enfants qui ne les aimeront pas, il y en aura toujours. Des enfants qui frappent les autres, il y en aura toujours aussi. Alors comment éviter ça ?

On a mis en place des stratégies pour éviter que le pire ne se produise, avec plus ou moins de succès : Le Petit Prince avait le droit de passer du temps à la Médiathèque de l’école pour se calmer, il était orienté d’office vers des activités encadrées… mais le problème, c’était pendant les temps intermédiaires et informels : sans la surveillance d’adulte, Le Petit Prince était clairement perdu.

On a constaté ça particulièrement pendant les récréations, et avant ou juste après la cantine, alors que par ailleurs, en classe, Le Petit Prince était tout a fait calme et même, n’hésitait pas à faire entendre sa voix pour ramener le calme en cas de chahut.

Pourquoi alors c’est si compliqué pendant les temps informels ? Comment faire pour éviter ça ?

Et alors coup de théâtre : nous avons déménagé l’été dernier, il a subit un changement complet de son environnement, donc changement d’habitudes, de collège, la nouveauté, bref, un cocktail super méga explosif qui aurait pu être super tendu à gérer pour lui.

Et pas du tout, les résultats sont là :

  • Le soir, Le Petit Prince rentre le sourire aux lèvres
  • Il a un meilleur copain
  • Il s’est inscrit au club de handball de son école.
  • Il n’y a eu AUCUNE agression, physique ou verbale, depuis sa rentrée en septembre 2013

Comment l’expliquer ? J’ai peut-être des éléments de réponse :

  • Suite à son agression de début 2013, Le Petit Prince a appris qu’il était autiste, et j’ai vraiment l’impression qu’il se sent soulagé de mettre un mot sur ce qu’il vit au quotidien. Il a gagné en confiance en lui.
  • Il a eu 12 ans en juin, il a donc beaucoup grandi et évolué depuis le petit garçon non verbal en crise du début. Il a gagné en maturité.
  • Il ne va plus vers les enfants qui le rejettent : il s’est trouvé un ami bienveillant, sur qui il peut compter, et gravite dans un groupe d’ado qui sont juste gentils. Il semblerait qu’à son arrivée, ce groupe d’ado se soient spontanément dirigés vers Le Petit Prince, sans a priori. En fait, le collège a mis en place un système qui fait qu’à chaque rentrée, un « parrain » est affecté à chaque nouveau. Ce qui a permis la première prise de contact.

Ok. Mais je n’arrive toujours pas à comprendre comment on a pu passer en l’espace d’un été d’un extrême à l’autre. Le déménagement et l’ensemble des bouleversements qu’il a entrainé ne peut pas expliquer seul le changement d’attitude du Petit Prince.

Et pourtant j’ai la nette impression que Le Petit Prince a compris ce qui était bon pour lui. Ne pas trainer avec des gars qui font des bêtises, ne pas suivre les fortes têtes, il a compris tout ça.

Et je viens de réaliser un truc : il a appris à analyser ce qui était bon pour lui et à n’aller que là où il était bien ! Si c’est vraiment ça, c’est certainement le progrès le plus incroyable de ces 12 dernières années !

Ce qui explique que en conséquence, il a moins avancé sur d’autres sujets, comme celui de l’apprentissage scolaire par exemple, qui lui pose un vrai problème.

Mais alors je généralise cette expérience mais : est-ce que cette période de conflit avec les autres est un passage obligé pour les autistes ? Est-ce que c’est juste quand l’enfant autiste acquiert une certaine agilité au niveau de la théorie de l’esprit qu’il peut s’intégrer et ne plus avoir de relations conflictuelles, puisqu’il est à même de comprendre l’intention des autres ? Est-ce que l’environnement permet à un enfant de se sentir suffisamment en confiance pour qu’il puisse s’y intégrer sans se sentir agressé ?

J’ai l’impression que c’est un peu tout à la fois. Si vous avez des pistes, partagez-les ici, ça fera peut-être gagner du temps à d’autres parents qui s’interrogent.

 

Charte du site : découvrez pourquoi il faut faire appel à votre bon sens !

 

11 réflexions sur “ Pourquoi les enfants autistes se retrouvent-ils dans les bagarres ? ”

  • 31/03/2014 à 18:20
    Permalink

    Je n’ai aucune explication, juste mon témoignage de fille autiste verbale des le début: j’ai été « maltraité » à l’école, moquée surtout. Quand je dis l’école, je parle du primaire à l’université, c’est long.
    J’ai eu à la fois des ami/e/s et à la fois j’ai vécu cela. Et j’ai eu aussi des ami/e/s qui se moquaient aussi…
    J’en suis à me demander si j’ai connu enfant la véritable amitié – pas seulement pour ça mais aussi par rapport à ce que je pouvais partager moi.
    J’étais toujours la plus marginalisée, la plus moquée, la tête de turc etc. parce que je suis un extra-terrestre tellement différent – du moins, je l’ai vécu comme ça.
    Aujourd’hui, j’ai encore peur des autres, même si je vais mieux.
    Par contre, toute jeune, je crois que je ne me rendais pas compte et je me faisais des ami/e/s facilement – en colonie par exemple.
    Mais je discutais récemment avec des amies qui ont vécu des choses similaires et qui ne sont pas autistes – du genre intello, donc on retrouve le côté « savant » des asperger par exemple.
    Est ce qu’à l’école, on pourrait nous apprendre que nous sommes tous différents et que nous méritons tous d’être bien traités/respectés/aimés?

    Réponse
    • 31/03/2014 à 19:40
      Permalink

      C’est déjà un début, de mon temps ça n’existait pas! (la grand-mère parle 😉 )

      Réponse
  • 31/03/2014 à 19:30
    Permalink

    Dans l’école où je travaille maintenant, il y a un petit garçon de 3 ans autiste non verbal (bien qu’il a fait d’énormes progrès depuis la rentrée) qui est lui aussi souvent impliqué dans des bagarres. Dans son cas, c’est que le seul moyen de communication qu’il a trouvé, c’est taper et tirer les cheveux des filles. Nous essayons de lui expliquer que ce n’est pas la solution, et aux autres qu’il est différent et ne comprend pas que c’est pas bien. Là où ça devient difficile c’est que du coup les autres enfants ont peur de lui et l’évite alors que lui au contraire cherche le contact, ce qui entraîne parfois des bagarre (bien que maintenant les enfants essayent de l’éviter au lieu de répondre à ses coups)

    Réponse
    • 01/04/2014 à 09:10
      Permalink

      Ces enfants là cherchent le contact maladroitement, en tirant les cheveux, en « embêtant » les autres. Ca ressemble à un passage obligé on dirait… A nous de leur expliquer et leur montrer que l’on peut rentrer en contact autrement

      Réponse
    • 01/04/2014 à 08:59
      Permalink

      Je ne pense pas que seul le fait de savoir qu’il est autiste explique ce changement. L’environnement compte aussi : après avoir appris qu’il était autiste, Le Petit Prince a continué d’aller dans ce collège et a continué aussi d’être une cible pour les autres élèves. Donc tous les soirs, il rentrait énervé, dégouté, épuisé. Nous avons pris la décision de l’enlever du collège fin mai, avant même la fin de l’année scolaire, tellement la situation était devenue intolérable pour lui.

      Réponse
  • 02/04/2014 à 17:09
    Permalink

    Voici mon petit témoignage d’asperger :

    C’est certain que la qualité de l’environnement influe beaucoup sur notre confiance en nous et par conséquent à notre capacité à communiquer calmement.
    Du reste, pendant la phase d’apprentissage social qui a duré chez moi jusqu’à mes environ 20 ans (et qui se prolonge un peu aujourd’hui mais disons que 99% du boulot est fait), l’environnement est un terrain d’apprentissage qu’on « abîme » : ne comprenant bien pas les règles sociales, et personne ne pouvant nous les expliquer de façon « parlante » pour nous, on teste, on teste, et on apprend/comprend du résultat. J’ai « gâché » pas mal d’histoires d’amour et d’amitié comme ça, mais c’était un mal nécessaire pour m’assurer un meilleur avenir, que je comprends mieux.
    Il est donc assez important de renouveler l’environnement social de temps en temps, pour démarrer sur un terrain vierge où personne ne nous connait, personne n’a d’à priori. Depuis que je suis social, je fonctionne donc par cycles, au début qui ne durait que quelques semaines, aujourd’hui de plusieurs années : une fois que je sens que je suis allé « au bout » d’un environnement, je fais un grand bouleversement dans mes habitudes, mon travail, mes relations, mon logement, etc, et je redémarre autrement, sans scrupule ni regret du passé : de toute façon ce qui y était précieux vient avec moi.

    Pour parler de la violence en tant que telle (ce que je vais affirmer est en mon nom, je ne sais pas ce qu’en pensent d’autres autistes), j’ai une perception d’elle assez différente du reste des gens, car elle est omniprésente, au quotidien, dans des bruits, des odeurs, des stimulations visuelles et dans des détails de comportements qui, j’ai l’impression, échappent aux gens, dans le sens où quand j’en parle avec les potes je suis souvent seul à avoir perçu ça comme une agression. Et résultat, pour moi et mon hypersensibilité, la violence, c’est banal, dédramatisé, un paramètre avec lequel je compose. Et elle ne se limite pas à la violence physique d’un coup de poing, par exemple, loin de là.
    Avant un certain âge, la violence est aussi le seul langage qu’on a en commun avec les gamins qui nous entourent : quand les mots n’arrivent pas à induire une réaction de la part d’une autre personne, le contact physique est plus facile et plus efficace. Mais on apprend assez vite que ça ne mène pas toujours au résultat qu’on voulait obtenir.
    Même après un certain âge, ça reste le seul moyen d’expression qui nous reste lorsqu’on se sent stressé, acculé, et que le langage ne suffit plus à débloquer une situation qu’il FAUT qu’on débloque pour ne pas tomber dans une crise.
    En fait, malgré mon calme et ma sérénité apparente, j’ai toujours été ultraviolent dans des situations stressantes et je n’ai jamais essayé ni même envisagé de ne pas l’être : j’ai compris très tôt que ma bulle était le seul endroit où j’étais à l’aise, et j’ai décidé de la défendre à n’importe quel prix.

    Pour résumer, la violence, morale, physique, environnementale, subite ou infligée, fait partie intégrante de ma vie et de mon passé et j’ai bien peur que ce soit comme n’importe quelle chose humaine, un domaine à comprendre et à explorer pour s’apercevoir que l’équilibre n’est pas forcément de la rejeter, mais d’en faire un moyen d’être en paix. Ça m’a valu quelques punitions au départ le temps de comprendre, mais ensuite plus jamais : mon parcours de la primaire jusqu’aujourd’hui est balisé de gens sur qui j’ai déchainé une violence inouïe en gardant toujours gain de cause.

    Mais pour la morale, je déconseille vivement à quiconque ce moyen d’expression ! 🙂

    Réponse
    • 03/04/2014 à 08:23
      Permalink

      Merci Seb,je comprends mieux certaines choses. ca me parle quand tu dis qu’il faut un renouvellement cyclique de l’environnement. C’est peut-être ça ce qui s’est passé avec Le Petit Prince. Du coup il faut peut-être que je m’attende d’ici quelques temps à un nouveau renouvellement… on verra bien.
      Je rebondis sur ça : on a tendance à penser que les autistes sont confortables dans un milieu maîtrisé, balisé, dans lequel ils sont parfaitement en confiance. Et effectivement, je l’ai constaté sur mon fils. MAIS, j’ai remarqué qu’avec les années il acceptait de plus en plus facilement ce changement, et devenait finalement assez « souple ». Dans ce cas de figure, j’ai l’impression que le changement d’environnement à tout bon : repartir à zéro, de nouvelles relation, pas de regard emprunt d’a priori de la part des autres donc… pas de violence.
      Pour en revenir à cette violence omniprésente avec laquelle tu vis et tu composes, je vais demander au Petit Prince ce qu’il en pense, je n’ai pas l’impression que ce soit son cas.
      Depuis quelques mois, ses seuls moments de « violence » se font quand il est contrarié : il crie, râle et parle fort dans sa chambre ou dans une autre pièce, parfois lumière éteinte. Il parle (fort) à son chien aussi, pour expulser sa colère : le chien, c’est pas mal pour ça.
      Il faut que je lui laisse faire sa crise, parce que si parfois j’essaie de couper court pour éviter qu’il ne tourne en rond, ça va lui rester et il va y revenir plus tard. Il faut doser avec lui, pas toujours évident…

      Réponse
  • 23/01/2018 à 15:13
    Permalink

    bonjour je suis mamied ‘un petit fils de 13 ans autiste la situation devient grave deux jours de suite exclut du college il se bagare des qu’ont lui dit un mot qui lui plait pas la ce matin quelqu’un lui a dit qu’il etait nul et vlan c’est repartit en bagare et il a ete exclut toute la journéehier il a maltraiter l’infirmière esclut de nouveau quoi faire ma fille est perdu elle l’élève seul et a deux autres enfants je prend le petit souvent a la maison tout se passe bien ausitot qu’il retourne chez sa maman il lui en fait voire quoi faire le mettre en interna, est ce la bonne solution je suis pas sur merci de nous aidez dans les démarches a suivre cordialement

    Réponse
  • 13/09/2018 à 20:27
    Permalink

    C est grave en fait le seul moyen d être tranquille c est de cacher la vérité!!! Si c est possible!

    Réponse

Répondre à L archéologue spatial Annuler la réponse.