Dans la tête du Petit Prince… mon déni, sa parole, nos solutions

Dans la tête d'un autiste

Le Petit Prince a dit  : « Je ne comprends pas ce qui est écrit, ça n’a pas de sens pour moi, je ne comprends pas les énoncés, les textes, je suis un boulet. »

Ouch.

Depuis des années, j’essaie de comprendre, de me mettre à la place de mon fils autiste et c’est loin d’être simple. Je savais qu’il avait du mal avec la lecture pour dégager le sens d’un texte, du moins c’est ce que j’avais déduit de ses notes, de ses difficultés à apprendre les leçons et je me battais, littéralement, chaque soir, pour les devoirs. J’ai fait plein de tentatives plus ou moins réussies ici et  et récemment, j’avais découvert les aides au cours en ligne comme Kartable (merci à tous les profs qui m’ont fustigée pour avoir utilisé ce moyen qui selon eux n’est pas fiable, à cause des fautes d’orthographes qu’on peut y trouver notamment – non mais LOL quoi).

Au mois de décembre, entre ma venue à Paris pour le colloque d’Autisme France et mon implication pour trouver des solutions pour mon fils, je me suis épuisée. Je le dis : j’ai 39 ans et je suis vidée. Fou de dire ça quand on n’en est même pas à la moitié de sa vie, non? Enfin, vous me comprenez. C’est ce qui a expliqué que je n’ai rien écrit sur le blog depuis décembre, trop épuisée pour le faire sans plaisir parce que oui, tout ce que je veux vous dire, c’est avant tout par plaisir, je ne veux pas que cela devienne une obligation ou une contrainte.

Je lui en ai voulu, à cet enfant, il faut bien le dire, de ne pas pouvoir faire ses devoirs sans que ça prenne une ampleur démesurée. Je lui en ai voulu de passer des heures avec lui à faire ses devoirs à sa place, à m’escrimer à lui trouver des solutions, à lui recopier ses leçons, lui mâcher le travail tandis qu’il regardait distraitement par la fenêtre. Et pourtant, s’il y a bien quelqu’un à l’écoute de son fils, c’est bien moi : je ne peux pas dire que je ne savais pas qu’il ne pipait pas un broc de ce que je lui racontais.

Oui, c’est mal, mais je lui en ai voulu terriblement. Je l’aime autant que je l’ai détesté dans ses moments là. Je ne m’étais pas rendu compte que j’étais quand même dans le déni.

Pour moi, mon Petit Prince est le plus beau, le plus intelligent, il a réussi à passer avec brio le cap d’une solitude totale à une vie riche socialement. Il parle, il rit, il raisonne, il est brillant, lumineux, on ne voit que lui. J’ai nié, oui, j’ai nié les difficultés dont je vous parle à longueur de lignes sur la page Facebook et ce blog, je les ai niées parce que… il ne me les avait pas clairement dites, et je croyais les avoir intégrées quand même, mais c’était faux.

Et puis l’autre jour, j’ai posé la question dont je ne voulais pas entendre la réponse :

« Je ne comprends pas ce qui est écrit, ça n’a pas de sens pour moi, je ne comprends pas les énoncés, les textes, je suis un boulet. »

J’ai été anéantie : non pas tant d’apprendre de sa bouche les raisons de son échec scolaire, mais de comprendre qu’il se trouvait nul. Et je pense que je suis pour beaucoup dans le fait que mon fils se trouve nul. J’en porte la responsabilité, peut-être pas totale, mais j’y suis pour beaucoup.

Vous allez me demander si je culpabilise : oui, vous vous en doutez, mais ça ne sert à rien de culpabiliser si on n’agit pas. Alors moi qui vous bassine à être proactifs dans la prise en charge et l’éducation de votre enfant, et bien oui, je me suis appliquée mes propres conseils :

J’ai relevé les points de difficultés dans ma relation avec mon fils qui

  1. M’ont amené à lui en vouloir
  2. L’ont conduit à se sentir idiot

Ces points sont tous liés à un moment particulier de la journée : c’est à partir de 17heures, quand on fait les devoirs, car c’est là que tout se joue :

  1. C’est là que je me rends compte de sa difficulté
  2. C’est là que de le mettre face à ses difficultés lui font perdre confiance en lui
  3. C’est là que je suis submergée par l’énorme tâche qu’il reste à accomplir pour le mettre à niveau
  4. C’est là qu’il n’apprend rien

Ces 4 points font que la tension pendant ce moment là est à son comble, que nous appréhendons lui comme moi de devoir nous y mettre, et tous les jours, l’enfer recommence. Nous en sortons chaque jour plus épuisés.

Alors j’ai trouvé la solution, qui a un prénom : c’est Super Marion. Marion est la première nounou du Petit Prince et par chance et hasard est venue s’installer près de chez nous depuis notre emménagement à la campagne. Depuis lundi, nous avons mis en place un nouveau protocole : deux fois par semaine, Super Marion prend le Petit Prince chez elle pour faire les devoirs.

Et bien, vous allez rire mais depuis lundi… ça se passe vraiment beaucoup beaucoup mieux à la maison ! Je le dis toujours : nous sommes les modèles pour nos enfants ; comment voulez vous que Le Petit Prince soit détendu alors que moi j’étais crispée à l’idée même d’ouvrir le cahier de texte ? Et bien depuis lundi, je ne sens plus de tension. C’est plus facile, plus léger. Je n’en veux plus au Petit Prince. Quand nous faisons des devoirs ensemble, me reviennent en mémoire ses paroles de l’autre jour, et j’essaie de faire en sorte qu’il se sente valorisé. Parfois, je passe très vite sur certains devoirs, on les fait ensemble sans s’énerver, ça va bien. Même les deux exercices de maths hier soir ce sont bien passés.

Alors voilà, je sens que nous sommes sur la bonne pente. Je nous souhaite de continuer dans ce sens en 2015. Et surtout, j’espère que le Petit Prince continuera à me parler de ce qu’il ressent, parce que je ne veux plus jamais être dans le déni. 

9 réflexions sur “ Dans la tête du Petit Prince… mon déni, sa parole, nos solutions ”

  • 09/01/2015 à 11:52
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    Qur dire à part que ton article est humbke comme toujours et que je suis ravie de te lire à nouveau.

    Non ce n’est pas simple d’etre le prof de son enfant et oui à 17h…après l’école…c’est souvent plus de la torture qu’autre chose. Et faut que les profs comprennent que pour un autiste l’école est déjà une epreuve en soi….contrôler ses gestes….tout…se concentrer….je passais tellement de temps à me contrôler et faire attention à tout que je ne me rappelais même plus de ce qui était dit par les profs.

    Les parents ne doivent pas culpabiliser de ne pas savoir et de ne pas être pédagogues avec leur enfant. Parfois il faut savoir déléguer et c’est ce que je fais lorsque je sens que je perds pied.

    Et puis parfois le fait d’être aidée permet aussi de prendre de la bonne distance…

    Tu es sur la bonne voie.

    Courage petit scarabée…tu apprends vite toi aussi.

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  • 09/01/2015 à 17:04
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    merci de partager vos sentiments et vos doutes, merci pour votre blog. Tout comme vous je me suis épuisée à essayer de faire travailler mon fils ( pas autiste, mais dyslexique, dys-orthographique, hyper actif sans être reconnu comme tel par le CPMP) en vous lisant je me revois lui faisant apprendre des leçons des heures durant , sans résultat et la tension qui montait entre nous jusqu’au rejet . Oui nous passons par là , à cause de l’école parce que nos enfants ne rentrent pas dans le moule . Aujourd’hui il a 25 ans , marié père de 2 enfants, converti à l’islam, surement pour renier mon mode d’éducation, parce que je voulais absolument qu’il  » réussisse » un minimum…
    Vous avez su prendre du recul et trouver ce qui est important , ne baisser pas les bras , faite juste en sorte qu’il soit heureux.

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    • 09/01/2015 à 17:38
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      Merci beaucoup de votre témoignage, je lis entre les ligne toute la difficulté que vous avez vécu, dans laquelle je me retrouve. Oui, nos enfants ne vont pas dans le moule scolaire. Et c’est dur pour eux comme pour nous. Courage, vraiment courage à vous .

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  • 12/01/2015 à 18:44
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    Le cerveau des autistes traite et analyse les information de façon toute à fait différente du cerveau des neurotypiques, donc c’est évident qu’ils ne vont pas ds le moule scolaire. C’est pour cela que j’ai initié un programme pilote qui aide particulièrement ces enfants à s’exprimer, à découvrir et développer leurs talents et leurs dons. Le moule scolaire n’est qu’une illusion qui ne convient plus à personne en fait. Si vs en avez des doutes regardez autour de vs tous ces gens qui depuis des décennies ont obtenu leur diplôme et son malheureux car ils font ce qu’ils ont étudié (et encore, pas tous) mais pas ce qui leur parle vraiment, pas ce qui est leur passion. Le système éducatif est en plein bouleversement, aux Etats Unis certains ont finalement accepté que ce système ne répond en rien aux besoins des enfants mais bien aux besoins des grosses corporations qui ont tjrs eu besoin d’esclaves. Donc grands changements sur la route mais ça prendra du temps.
    Un autiste capte et miroite les énergies des adultes qui les entourent, donc ils lisent notre peur, nos indécisions, notre stress, et surtout ils lisent et perçoivent très clairement lorsque notre cœur se ferme, donc pas étonnant que l’heure des devoirs soit pénible pour eux car ils lisent en nous et voient clairement ou ns ns enfonçons.
    Au lieu de s’acharner à du bourrage de crane qui n’aide personne, et certainement pas un autiste, concentrons-ns plutôt à développer ce en quoi ils excellent, leurs dons et talents. Croyez-moi ils en ont tous, et je dis bien TOUS même les non-verbaux, même ceux considérés comme mentalement retardés. Ils sont TOUS capables de fonctionner ds l’enceinte de leurs paramètres personnels. Le système éducatif a été créé pour manufacturer des ’employés’ que j’appelle des robots esclaves car fabriqués pour servir les intérêts des grosses entreprises, hors l’autiste ne se conforme pas, il refuse donc de devenir esclave, il mérite notre admiration et notre soutien. C’est bien grâce à eux et à leurs témoignages que le système éducatif est en train de changer ds certaines régions des Etats-Unis (particulièrement en Californie). Soyons raisonnables: lorsque cet enfant autiste sera adulte il sera heureux de faire ce qu’il aime, ce qui le passionne. Je doute qu’il appréciera le morceau de papier que ns appelons diplôme qui confirmera qu’il est un bon mouton de Panurge mais qui ne lui donnera probablement jamais ce que ns appelons ‘un boulot’, chose à laquelle ns semblons attacher tant d’importance alors que beaucoup de personnes qui ont un boulot sont malheureuses. Est-ce là vraiment ce que ns voulons pour nos enfants? Autistes ou non? Ou serait-il plus gratifiant de suivre son autonomie et d’ainsi créer de nouvelles initiatives. Nous avons besoin d’eux pour ns montrer le chemin vers un tout nouveau système éducatif. Sans leur contribution ns n’y arriverons pas, ils ne sont pas esclaves et leur façon de voir les choses vont ns aider à co-créer une nouvelle société.

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  • 19/01/2015 à 15:23
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    temoignage touchant mais sache que l on fait toujours notre possible pr que notre enfant avance ds le bon chemin . la solution d une nounou ou d une tierce personne te permettra certainement de souffler et de penser un peu plus a toi et je pense que le petit prince avait certainement besoin de ca aussi , bon courage a toi

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  • 10/10/2017 à 18:50
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    En tant que prof (et autiste), je conseille Kartable, très maniable, et aussi lelivrescolaire.fr qui permet de faire des exercices interactifs.
    Pour le reste, vous êtes formidable, et j’aurais tant aimé avoir une mère comme vous, c’eut été tellement moins l’enfer.

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