Les mamans dans les salles d’attente

Attendre son enfant autiste dans une salle d'attente

Le Petit Prince a dit : « Et toi, tu fais quoi quand je suis en séance ? »

Moi, j’attends. Comme toutes les mamans croisées dans les salles d’attente. J’avais besoin de nous rendre hommage aujourd’hui…

Je ne compte plus le nombre d’heures passées à attendre le Petit Prince pendant ses séances, à raison de plusieurs fois par semaine. Et que fait-on, en salle d’attente ? Je me suis bâtie une solide culture fashion et people à grand coup de Elle et autres Gossip Magazine, moi qui n’aime pas la presse écrite. Pendant ces minutes d’attente, j’avais enfin un moment à moi, pourquoi pas les consacrer à quelque chose de futile, léger, comme la lecture de magasines de mode qui engorgent les tables des cabinets médicaux.

Et puis lire permet de s’isoler, ou de faire semblant. En face, il y a toujours des mamans, les traits tirés, les yeux dans le vide, qui elles aussi cherchent un moment de calme avant la reprise de la tempête. Parce que ces minutes pendant lesquelles quelqu’un d’autre s’occupe de son enfant sont, il faut bien l’avouer, précieuses.

Au cours des séances, on repère les même têtes, on se salue timidement. Et puis parfois, le besoin de se confier surgit, au détour d’un regard. Le besoin de savoir ce que l’autre enfant a, pour se raconter à quelqu’un qui peut entendre et comprendre. On vit la même chose, pas toujours au même degré, mais fondamentalement, on se retrouve.

Les mamans dans les salles d’attentes sont souvent belles, faisant l’effort de ne pas se négliger malgré les difficultés du quotidien. Elles ont le sourire triste, quand elles parlent de leur enfant, elles sourient pour contrer les larmes qui montent aux yeux facilement. Ici, on sait. On a toutes les yeux qui brillent quand on se parle, on essaie de ne pas le remarquer dans le regard de l’autre. Alors on sourit pour éviter que ça ne coule.

Les mamans dans les salles d’attente sont seules. J’ai entendu tant de fois que le père était parti, que le couple avait explosé. Parfois il y a des papas qui viennent pour leur enfant, mais ils ne restent pas, ils vont fumer dehors, parler au téléphone avec des gens, ou attendent dans leur voiture. Les papas ne veulent pas se confier, comme si parler pouvait rendre la réalité plus difficile à supporter.

Les chaises, les plantes vertes, les imperfections dans les tapisseries, les jouets qui jonchent le sol, les magasines, les affiches sur le mur, on les connait par cœur. Alors pour tromper l’ennui, ne vaut-il pas mieux parler ? Entre maman, on se confie. J’ai rencontré des femmes tristes, des en colère, des dépassées, de véritables passionaria… j’ai parlé, je me suis sentie moins seule sur le moment. Le bienfait est de courte durée, mais c’est toujours bon à prendre.

Parfois il vaut mieux parler, quand le silence est trop pesant, quand de l’autre côté de la cloison on entend un enfant crier, s’énerver. On sait très bien si c’est le notre ou pas. Les mamans dans les salles d’attente ont souvent le coeur en miette, elles voudraient tant que leur enfant aille mieux, que les gens les regardent normalement, qu’on ne les prenne pas pour des gosses mal élevés.

Les mamans dans les salles d’attente appréhendent le moment où la porte va s’ouvrir, où leur enfant va sortir et qu’elles vont immédiatement lire sur son visage s’il va bien ou pas. Elles écoutent parfois sans comprendre le compte-rendu rapide du professionnel sur la séance. Parfois je n’ai pas compris ce qu’ils me disaient, peut-être que je n’avais pas envie d’écouter non plus. Pourtant ce sont ces compte-rendu qui permettent d’avancer, de garder le cap, d’avoir le moral.

Alors on enfile le manteau, on ramasse les affaires, on dit au revoir rapidement et on sort, sa petite main dans la notre, reprendre le cours du quotidien.

D’autres mamans arrivent, d’autres histoires se créent, une chose est sûre : nous, les mamans dans les salles d’attente, on porte le courage en nous.

 

 

13 réflexions sur “ Les mamans dans les salles d’attente ”

  • 27/06/2014 à 14:01
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    Merci pour ce partage, moi qui suis de l’autre côté de la porte, avec l’enfant, je me demande souvent ce qui se passe dans la salle d’attente… Parfois je le devine, parfois je le redoute. Parfois aussi, je vois avec plaisir des mamans devenir amies, se retrouver chaque semaine pour discuter, et un jour l’une d’elle amène le thermos, la fois suivante l’autre apporte des gâteaux, et depuis c’est beaucoup plus gai, dans cette salle d’attente ! A tel point qu’au CAMSP où je travaille également, nous avons le projet de mettre en place une salle « café-parents », pour favoriser sans les forcer ces moments là, et pour que ces attentes soient aussi des moments heureux.

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    • 27/06/2014 à 14:27
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      Quelle bonne idée le « café-parents » ! C’est vraiment génial ! OUi, les salles d’attentes, c’est un lieu de rencontre, et ça peut être bénéfique aux parents aussi… Merci de votre témoignage.

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  • 28/06/2014 à 10:22
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    Très vrai, très joliment raconté…
    J’ai rencontré dans les salles d’attente des mamans extraordinaires qui m’ont parlé de leurs pays d’origine, de leurs autres enfants, de leurs maris, de leurs espoirs…

    Certains sont devenus de vraies connaissances et nous avons franchement sympathisé. Chacun déverse sont trop plein d’émotions, ses petites misères de la semaine et sait qu’il sera écouté et pas jugé.

    J’aime les parents d’enfants autistes, ils ont comme un petit supplément d’âme qui est réconfortante.

    Pour les papas, je sais que souvent c’est la débandade après l’annonce du diagnostic. Alors rendons hommage à ceux qui soutiennent les mamans, ont accepté la différence de leur enfant sans problème, participent aux rééducation, prennent des jours de congés pour se rendre à chaque RDV et passer des heures dans les salles d’attente, qui voient dans leur enfant un potentiel plutôt qu’une petite chose « bancale ».

    Quant aux magazines, on a le choix: c’est très « poeple » ou ça ne parle que d’autisme. Mais on peut toujours choisir d’emporter un bon bouquin. Je n’ai jamais autant lu que depuis que j’arpente les salles d’attente. Ca me plaît bien !!!

    Merci pour ce billet si plein d’humanité…
    ValérieJ

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  • 29/06/2014 à 20:37
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    Dans certaines salles d’attente, il est conseillé de ne pas faire de bruits, donc difficile de discuter. Les revues sont parfois si anciennes qu’on les a lues et relues. Du coup, pour transformer ces longs moments d’attente en moments de détente, j’ai pris l’habitude de prendre du tricot, ou des mots fléchés. Puis en ayant assez de trimbaler un gros sac, j’ai investit dans une liseuse. Et depuis je dévore les romans. Bref, il y a toujours moyen de rendre cette attente plus attrayante. L’idée du café-parents me fait rêver. Ce serait tellement sympa !

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  • 21/07/2014 à 14:24
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    ce texte m’a beaucoup émue.je l’ai découvert dans la salle d’attente de la psychologue de mon fils : elle l’avait posé au milieu des fameuses revues people. j’attendais l’heure de séance de mon fils. elle est sortie et m’a dit: « qu’est ce qu’il y a, quelque chose ne va pas?: j’avais les larmes aux yeux…

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    • 26/07/2014 à 13:36
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      Merci Aude… je suis très flattée en plus d’être imprimée dans une salle d’attente 😉

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