Les autistes aussi ont de l’humour !

L empreinte humoristique par nathalie

On entend trop dire que les autistes n’ont pas d’humour. Du coup Nathalie, autiste asperger que vous avez déjà lu ici, partage avec nous son point de vue au sujet de l’empreinte humoristique – ou comment reconnaître un style humoristique en observant une personne. Et comment humour rime avec confiance en soi. A méditer !

Quand on dit qu’une personne n’a pas le sens de l’humour, ou au contraire, qu’il en a trop….ou qu’il ne devrait pas en avoir s’il est asperger…c’est très curieux de dire ça.

En fait l’humour est une empreinte, au même titre que l’empreinte digitale qui nous caractérise et fait de nous des personnes uniques. L’humour est donc révélateur de notre personnalité.

Je ris comme je suis.

Le fondement même de notre personnalité va nous révéler en tant qu’individu, mais le rire lui est justement le « siège social » de notre personnalité. Ainsi, une personne qui va faire rire volontairement, n’aura pas la même personnalité que celui qui fait rire malgré lui.

Il y a des personnes qui ne croient pas avoir le sens de l’humour parce qu’on leur a dit qu’elles n’en avaient pas. Et finalement, si elles rient à des choses qui font rire c’est bien qu’elles ont un sens de l’humour…mais qu’elles n’ont pas suffisamment (ou pas du tout) confiance en leur personnalité pour affirmer leur sens de l’humour.

Je pense donc que l’humour est le baromètre de la confiance en soi, et de l’estime de soi.

Aussi, une personne peut aussi penser ne pas avoir confiance en soi, ou avoir une estime de soi fluctuante et par moments, elle pourra rire de bon cœur, mais elle aura du mal à faire rire parce qu’elle n’est pas suffisamment assurée de son pouvoir, de sa présence dans la vie des autres, ni de sa place dans la société.

Imaginez qu’on passe notre temps à vous dire que vous êtes nul et que votre famille passe son temps à vous critiquer et à rire d’une façon qui vous déplaît, que vous ne comprenez pas (moquerie, cynisme…)…vous allez penser que vous n’avez pas de sens de l’humour car ils sont la référence de votre propre évaluation pour l’estime de soi.

Si vous riez d’une façon qui ne convient pas à votre entourage ou si vous n’êtes pas compris dans ce qui vous fait rire, ça peut en effet coincer au niveau émission/réception, donc, empêcher une complicité potentielle.

D’où l’importance de savoir à qui on a affaire en face, pour savoir de quoi on va bien pouvoir rire ensemble….

Mon père est un rieur/moqueur. Mais surtout, il a un talent incroyable pour ridiculiser les gens et les rendre pitoyables…il a un sens de l’observation qui le poussait à connaître exactement le pouvoir qu’il avait sur les gens et il savait faire rire beaucoup de gens autour de lui, car il parlait le langage de l’autre, il les séduisait par imitation, voire il sondait les âmes pour connaître leur vice et il savait par exemple faire rire un obsédé sexuel, il allait raconter des blagues cochonnes. Cependant, il savait s’arrêter avant l’indécence, car ce monsieur restait pudique malgré tout (je parle au passé non pas parce qu’il est mort mais parce que je n’ai plus de ses nouvelles depuis au moins 8 ans, voire plus).

Au royaume des narcissiques….les miroirs sont rois !

Vous voulez faire rire une personne, créer une complicité…intéressez vous à elle. Regardez ce qui la caractérise. Est-ce une personne qui manque d’assurance ? Ou au contraire qui en a trop ? Est ce une personne qui rit facilement, qui se dit « difficile » en rire ?

Qu’importe…un bon comédien fait rire tout le monde (après on est sensible à une forme d’humour plus qu’à une autre, selon les moments de sa vie, mais il y a des humoristes célèbres qui ont touché bon nombre de gens….il y a très peu qui n’ont pas ri de Coluche ou des humoristes comme Florence Foresti ou Gad Elmalleh….par exemple. Ce sont des observateurs de la société et ils savent rester dans les limites de l’ironie.

On peut ne pas apprécier certains sketchs, ou certains humoristes qui vont « trop loin »….qui sont trop caricaturaux, exagèrent trop, sont irrespectueux de certaines « minorités »…etc. Mais si vous voulez faire rire, il suffit de savoir observer la société dans laquelle nous vivons et d’en extraire le coté cocasse….

Mais quoi qu’il en soit…une société entière ne rira des mêmes choses que si l’humour reste aux portes de l’ironie…bien dosé (comme un cocktail finalement)…il ne faut pas se moquer méchamment (ou on ne touchera qu’un auditoire aimant le type « plaisantin »), il faut savoir utiliser l’observation constructive pour ne pas détruire ce qu’on décrit, on le « taquine ».

Celui qui sait rire de soi….ne se fait pas moquer facilement !

Rire de soi est important pour pouvoir rire facilement et ne pas prendre les déconvenues de manière dramatique. Si on sait rire de soi et si on est conscient de ses atouts, on n’a pas à craindre de s’auto-punir en riant de soi. On ne donne pas le bâton pour se faire battre. On prend le bâton pour faire croire qu’on se bat soi même….aussi, les autres, ne peuvent que rire AVEC vous et non de vous !

Si vous savez rire de vous, vous savez vous faire respecter. Car vous seul(e)s, connaissez les limites de l’acceptable vis à vis de vous. Savoir rire de soi est une vertu…rire des autres, c’est facile ! Tout le monde sait rire des autres, à priori…parfois des situations cocasses peuvent nous amuser aussi malgré nous. On voit une personne tomber, on n’a pas envie de rire mais on rit, c’est nerveux, on va dire.

Mais si on rit de soi en tombant, les autres ne sont plus dans le désir de nous ridiculiser, mais de partager cette complicité avec nous.

Le regard sur nous change.

Si je veux que les gens me voient comme je suis….je dois être cette personne à mes yeux.

Ça peut paraître bizarre ce que je dis….mais en fait, c’est la façon dont on se voit qui conditionne le regard des autres. Si vous voulez qu’on vous aime, aimez vous d’abord. Mais vous pouvez aussi penser ne pas vous aimer et pourtant, les bases sont là, mais il manque la confiance en soi….ou une petite perte de foi passagère.

Ce qui fait que vous allez oser être vous c’est d’avoir le courage de pouvoir aller n’importe où et de sourire à vous même. Sourire avec les yeux, avec la bouche, avec le cœur….et sourire avec le foie. (j’ai entendu ça dans un film que j’adore « Mange, Prie, Aime).

J’ai une culture cinématographique et télévisuelle assez incroyable, autant je ne me rappellerais pas de l’année ou forcément des noms des réalisateurs, autant je peux me souvenir d’un film et de ses répliques à la virgule près ! Je stocke depuis toute petite des tonnes et des tonnes de répliques de films, de séries télé, mais aussi des répliques entendues par des humoristes, des amis que j’ai eus….Je suis une stockeuse !

Je ne savais pourtant pas quoi en faire avant. Comme je retiens facilement des paroles de chansons, même 20 ou 30 ans après, je peux chanter les paroles d’une chanson entendue il y a très longtemps. Ça a toujours énervé mes parents qui désespéraient de me faire apprendre les tables de multiplication ou des poésies…voyaient que je retenais des chansons en les ayant entendues peu de fois seulement.

Les autistes ont le sens de l’humour « comme tout le monde » !

A la question : les autistes ont ils le sens de l’humour ? Je réponds OUI !

Sauf que le sens de l’humour est quelque chose de propre à soi. Je l’ai dit, c’est une empreinte digitale, c’est sa façon d’être à soi….c’est relatif à nos intérêts particuliers (ou pour ceux qui n’en ont pas, relatif à ce qu’ils peuvent voir autour d’eux ou à leur façon de vivre, mais c’est vrai que certains dépressifs chroniques ou malades imaginaires peuvent encenser l’idée d’être de bons tragédiens et vont se priver de rire d’une situation qui les fait frémir….de plaisir sado-masochiste…ils prennent leur pied en ayant mal, au sens propre et/ou au figuré)….

Les expressions populaires aussi peuvent être plus recherchées et utilisées pour élargir notre vocable humoristique, autant de culture qui étend les connexions possibles du cerveau entre diverses zones, ça ouvre de nouvelles « cases » et émet de nouvelles options, autant de possibilités jusque là inexploitées. Les neurones s’agitent et il n’y a pas besoin d’avoir un QI de 200 pour être capable de rire…il suffit d’aimer rire….

Il y a des personnes qui adorent les chats…ceux là sont sûrs de s’amuser des mimiques des chats (ils sont incroyables!)…d’autres les chiens et ceux là vont d’ailleurs beaucoup s’amuser avec leur chien….créer une complicité, quelque soit l’animal qu’on aime, on peut forcément trouver moyen de rire d’eux ou avec eux…(qui sait?). L’anthropomorphisme aurait tendance à attribuer des intentions humaines aux animaux de compagnie, donc il n’est pas rare qu’on leur attribue des pensées cocasses qu’on pourrait leur prêter avoir, les imaginer.

Dernièrement c’est une histoire de mouettes qui nous a fait rire à la maison. Ma fille qui n’arrêtait pas de parler à table, qui sait pourtant que je n’apprécie pas cela, surtout de parler la bouche pleine ou de ne pas fermer sa bouche en mangeant….me demande pourquoi la mouette rigole et moi, au lieu de m’agacer de son comportement, j’utilise la mouette comme outil pour véhiculer une idée, ainsi, la situation cocasse pourrait bien mieux passer qu’un énième « ferme la bouche quand tu manges ! »….et je lui dis que la mouette rigole sûrement parce qu’elle la voit manger la bouche ouverte…et qu’elle, elle mange la bouche fermée. Et là, ma fille me répond « Pffffffff, qu’est ce que t’en sais d’abord ce qu’elle a dans le crâne ?! » (mais à son sourire en coin, j’ai noté qu’elle avait malgré tout apprécié ma petite histoire).

Si je rigole à ses blagues, elle va savoir qu’elle a le sens de l’humour et elle se sentira gonflée de fierté et cela contribuera à une meilleure estime d’elle.

Ceux qui se passionnent pour les maths, peuvent donner l’impression de ne pas être très drôles et pourtant….parfois il leur arrive aussi à leurs heures perdues de s’amuser de petites choses à leur façon. Leur humour les caractérisera à leur façon bien personnelle. On peut adhérer ou non…parfois il faut connaître une personne intimement pour se rendre compte qu’elle a une capacité humoristique, mais si elle ne donne pas toujours l’impression d’être un bout en train ou d’aimer lire du plaisir sur le visage des autres, elle peut au contraire être très fine dans son humour dans son quotidien.

 Selon les personnes avec lesquelles on se trouve, on sera d’ailleurs vu(e) de manière très différente !

 Je me souviens de la première fois que j’ai vu la maman de mon chéri, elle m’a demandé ce qui m’avait touchée chez lui….j’ai répondu : l’empathie.

Or, pour des personnes non autistes, ça peut sembler paradoxal qu’une personne autiste soit justement dite empathique. Ce serait même le contraire !

C’est donc bien une question relative à la compréhension de l’autre que se développe l’empathie et bien sur, la complicité, puis l’humour.

Si on ne se comprend pas, on a du mal à être empathique l’un envers l’autre. C’est même pas une notion purement neurotypique l’empathie (il y a des neurotypiques qui ne sont pas empathiques, ou pas empathiques de manière continue, sinon ça serait éprouvant)…c’est qu’une personne neurotypique va plus naturellement vivre des situations qui vont lui permettre de renouveler son « catalogue » d’expériences communes….alors qu’une personne autiste a tendance à en avoir (en principe) moins que les neurotypiques.

C’est donc la multiplicité des expériences vécues qui ont fait de moi une personne plus « empathique »…et qui me permet aussi de me faire comprendre des autres. Car on n’est pas empathique à sens unique en principe.

Il y a un lien qui se créé dans une relation, on est empathique l’un de l’autre ou on ne l’est pas. Ça ne s’improvise pas. Je peux ne pas apprécier une personne, cependant, je peux me sentir empathique d’une situation qu’elle a vécue et pleurer sincèrement avec elle ou pour elle de la voir triste. Mais je ressens de sa part une capacité à interagir dans cette empathie….aussi, si je m’attriste pour une personne qui me rejette, je ne resterais pas longtemps triste. Je serais triste mais pas empathique. Je serais triste pour moi. Pour la relation impossible. Personne n’aime se faire détester, soyons honnête (à part les psychopathes, je présume).

On guérit par l’humour…on se protège par l’humour…

Si j’observe la plupart de mes semblables, ce qui fait mon point fort par rapport à la majorité d’entre eux, c’est que mon sens de l’humour me sert de bouclier contre la méchanceté, l’hostilité…mais aussi contre les épreuves de la vie.

Je vais citer un exemple : Une personne ne m’aime pas et veut me casser en me disant que je sens mauvais.

Non seulement l’auto-dérision va me permettre de bloquer mon adversaire, car il n’aura pas imaginé (ce n’est pas la majorité des gens qui a cette capacité, même chez les Nts) que je puisse rire de moi même : réponse type (en reniflant mes aisselles) « ah oui, c’est vrai, tiens, passe moi ton Fébrèze pour que je chasse les mauvaises odeurs ! »…ou utiliser la même base de la réplique pour le taquiner en disant que tout le monde n’a pas pensé à se parfumer au « Fébrèze » comme lui…

C’est pas très sympathique, mais une personne qui est habituée à rire en se moquant de l’autre, à vouloir le discréditer devant un public, va sûrement s’incliner devant cette boutade, et verra en vous un « nouveau maître » potentiel. Il est probable que, soit il a été bluffé par votre touche ironique et il vous estimera comme un des « siens »…, ou alors, il vous craindra et espérera que vous ne le ridiculiserez plus devant quiconque. Soit, blessé dans son orgueil, il pourra tenter encore une fois ou deux, mais las de se faire ridiculiser par vous, et craignant pour sa place de « meneur » (illusion du meneur en fait, un meneur mouton cherche un maître à penser en réalité) qu’elle ne soit menacée, il laissera tomber et vous évitera comme la peste.

Il y a un dicton chez nous qui dit à peu de choses près « quelque soit la ronde dans laquelle tu dois danser, tu dois t’adapter à la façon de danser des autres »….donc ce n’est pas parce qu’on sait danser une danse, qu’on doit forcément danser de la façon dont on l’a apprise, il se peut que nos partenaires soient moins expérimentés ou moins bons danseurs que nous ou meilleurs danseurs….on doit s’adapter aux autres pour rester dans la ronde.

En fait c’est une danse folklorique qui se danse en rythme en se tenant par la main et, même si elle est moins sportive que le Sirtaki, tout le monde doit être synchronisé, sinon, ça part dans tous les sens et on préfère virer celui qui gène la danse que le laisser gâcher le plaisir de tous.

J’aime bien les expressions de mon pays.

Le fait aussi d’avoir une langue étrangère pour langue maternelle aide aussi à s’étoffer dans sa façon d’être. Les Yougoslaves sont des personnes qui savent rire et rient facilement, malgré la guerre, malgré beaucoup de précarité liée à la guerre….les blagues bosniaques continuent (ils rient d’eux mêmes ! C’est comme si les belges riaient et inventaient leurs propres blagues, donc chez nous c’est culturel l’auto-dérision, on va dire). On taquine de manière différente chez nous. Mon père, même si je garde un mauvais souvenir de certains comportements toxiques, est pourtant une personne qui sait rire de lui et qui rit aussi facilement des autres et aussi avec les autres. C’est donc aussi un cadre habituel de mon évolution depuis ma venue au monde. Même si parfois il pouvait être lourd et que lorsqu’il se moquait il pouvait aussi se moquer méchamment, je pouvais faire la différence et comparer les variations de l’humour.

Mais une chose est sûre, c’est que n’importe où il puisse se trouver, mon père se distinguera par une aptitude à rendre les autres ridicules, s’il n’avait pas été aussi toxique, il aurait été même un grand monsieur ! (il adorait Coluche et bon nombre d’humoristes). Dommage qu’il ait mis ses compétences au service de la toxicité.

Je n’éprouve pas de gène à parler de lui, il m’a donné la possibilité de faire que certains ont douté de mon autisme car j’ai un imaginaire débordant (il semblerait) et un sens de l’humour qu’on m’envie souvent. On me dit que je pourrais créer un « fan club ». Sans aller jusque là….je sais que je rassemble des personnes autour de moi, que je plais à certaines, à d’autres, c’est l’inverse, je les hérisse…mais je sais que je laisse rarement indifférent.

Pour rire de tout, je dois être absolument lucide sur moi même et sur ce qui m’entoure. Alors, l’idée de l’autiste qui vit dans sa bulle c’est carrément absurde et contradictoire. D’ailleurs, je pense à un petit garçon qui vient voir l’orthophoniste de ma fille, qui lorsqu’il sait que nous sommes là, il se précipite pour me sauter au cou et manger mes cheveux….et je le vois dans ses yeux, le plaisir d’avoir échappé à la surveillance de sa mère et cette complicité qu’on partage…bien sur je ne le laisse pas faire pour les cheveux, mais j’apprécie ce petit coté canaille et il sait que je l’apprécie, sinon il ne viendrait pas vers moi comme il le fait.

Lui aussi il a le sens de l’humour. Ma fille aussi, pourtant on lui dit un QI de 45. C’est carrément absurde quand on la connaît ou qu’on l’a vue en vidéo.

Mais c’est ainsi, certains….n’ont vraiment AUCUN sens de l’humour selon nos critères….et il n’y pas besoin d’être autiste ! Il suffit juste…. de ne pas être sur la même longueur d’onde !

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